« J’abandonne une partie de moi que j’adapte » : bonheur, travail et utopies

En cette rentrée 2019, le Théâtre Denise-Pelletier nous propose la pièce « J’abandonne une partie de moi que j’adapte », du 28 août au 7 septembre dans la salle Fred-Barry. Derrière ce titre quelque peu énigmatique se cache une réflexion sur le bonheur, et sur la place que tient le travail dans nos vies. Des questions existentielles qui traversent les générations.

Êtes-vous heureux ·se ?

« J’abandonne une partie de moi que j’adapte » est une pièce belge inspirée du documentaire français « Chronique d’un été » (1961) d’Edgar Morin et Jean Rouch, une œuvre phare du cinéma-vérité en Europe. Dans ce film, les cinéastes ont fait le choix de poser à des passants, ouvriers, étudiants et immigrants, des questions liées au bonheur, et notamment la suivante : « En quoi votre bonheur est-il lié au travail ? » Une thématique qui résonne encore 60 ans plus tard.

J’abandonne une partie de moi que j’adapte - Théâtre Denise-Pelletier
J’abandonne une partie de moi que j’adapte. Crédit : Hubert Amiel

Le bonheur vécu hier, comme aujourd’hui

La pièce s’ouvre dans les années 60, où les comédiens incarnent des personnages témoignant de la difficulté du monde ouvrier d’alors. Dans une société en plein essor industriel, les questions d’aliénation au travail, de sens de la vie et d’engagement politique, occupent les propos des protagonistes. Même si la réalité du monde du travail s’est transformée depuis, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la société (hyper) consommatrice que nous connaissons aujourd’hui.

C’est ce que fait très bien la pièce en transposant, dans une deuxième partie, ces mêmes questions en 2019. Les interrogations et la quête de sens demeurent tout aussi intenses, même si elles ont évolué. À quoi puis-je bien servir dans mon entreprise ? M’offrir le train de vie effréné de la société actuelle vaut-il réellement le coup ? Qu’a-t-on fait de nos idéaux de jeunesse arrivés à l’âge adulte ? Consommer les derniers biens à la mode mérite-t-il vraiment qu’on se tue à la tâche ?

Il se dégage de ces témoignages un goût de compromis, où chacun navigue dans la vie en s’adaptant aux normes d’une société qui place le travail et le confort matériel, voire la richesse, comme des valeurs fondamentales, en négligeant notre « moi authentique ». D’où le titre de la pièce, repris directement d’un témoignage marquant du film de 1961.

J’abandonne une partie de moi que j’adapte - Théâtre Denise-Pelletier
J’abandonne une partie de moi que j’adapte. Crédit : Hubert Amiel

Réfléchir oui, mais avec le sourire !

Malgré le sérieux apparent du sujet, cette pièce nous entraine dans un univers joyeux et attachant. Les acteurs belges, jeunes et fougueux, passent avec brio d’un personnage à l’autre, d’une époque à l’autre, avec beaucoup de justesse, d’humour et d’émotion. On se prend au jeu aussi parce que cette quête universelle nous touche personnellement, et que la pièce tourne autour de la confidence, accentuée par l’intimité de la salle Fred-Barry.

Si je devais choisir un moment savoureux de la pièce, je retiendrais l’irrésistible « non-lettre de présentation » qu’un jeune adulte, dont tout porte à croire qu’il s’agit d’un millenial, adresse à un patron de start-up pour décliner son offre d’emploi, tournée en dérision. Un grand bravo également au discours tonitruant sur la valeur travail, déclamé à la façon d’un politicien, véritable caricature de la glorification actuelle du dépassement de soi professionnel.

« J’abandonne une partie de moi que j’adapte » est encore une belle trouvaille belge du Théâtre Denise-Pelletier, moi qui avais adoré « La Convivialité » à l’automne dernier. Si cette question du bonheur vous parle, ou que vous souhaitez simplement passer un bon moment, courez voir cette pièce à succès du Festival OFF d’Avignon en 2018, et qui tourne encore sur les scènes belges et françaises.

 

J’abandonne une partie de moi que j’adapte

Du 28 août au 7 septembre 2019
Salle Fred-Barry — Théâtre Denise-Pelletier
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