La Convivialité démystifie l’orthographe au Théâtre Denise-Pelletier

La Convivialité est à l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 10 novembre. Cette conférence-spectacle surprenante nous parle de l’orthographe française.

Anecdotique comme sujet me direz-vous ? Les remous que provoque chaque proposition pour la réformer me font penser le contraire. Deux ex-professeurs de français venus de Belgique, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, ont monté ce spectacle savoureux comme un exposé didactique à la logique imparable appuyant leur plaidoyer pour une orthographe française… plus conviviale.

Rire de la complexité de l’orthographe française

Pourquoi l’orthographe française est-elle si compliquée ? Les auteurs de La Convivialité utilisent l’efficacité de l’humour pour traiter cette question qui n’a d’autre réponse que « Parce que c’est comme ça ! » Ils pointent en début de spectacle les multiples incohérences et absurdités de l’orthographe française. On se délecte des exemples nombreux, grâce à des dialogues rythmés appuyés par des projections pleines de fantaisie.
On remonte par la suite le fil historique pour comprendre l’origine de certaines de ces règles ardues; pour s’apercevoir bien souvent qu’elles sont parfaitement arbitraires.
L’écriture du français se compare à d’autres langues à l’orthographe plus phonétique, comme le turc ou l’italien par exemple, ainsi qu’à d’autres qui se sont réformées pour s’adapter aux usages et devenir plus accessibles, comme l’allemand.

Loin d’être un exposé professoral ennuyeux, la Convivialité nous invite à dédramatiser joyeusement l’orthographe. On comprend alors qu’il s’agit plutôt d’un dogme, alors qu’elle devrait être le simple outil de l’écriture du français.

Interaction avec le public par des projections lors du spectacle La Convivialité
Interaction avec le public – Crédit Véronique Vercheval

Appréhender l’orthographe comme un outil, et pas une fin en soi

Après avoir démystifiée l’orthographe française et compris son histoire, les auteurs de la Convivialité nous invitent à prendre conscience du fait qu’elle n’est qu’un outil de retranscription de la langue française, et pas son essence même. Ne peut-on pas écrire une phrase sublime, même si elle comporte des fautes, alors qu’une phrase à l’orthographe parfaite peut tout aussi bien être laide ? La conclusion de cette réflexion nous amène à concevoir que la beauté de la langue réside dans le choix des mots, dans la syntaxe, et dans la ponctuation… et non pas dans l’orthographe ! Pensée étayée par diverses citations de grands auteurs tels que :

L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. (…) l’habitude seule peut en supporter l’incongruité. L’écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est.
Voltaire, Dictionnaire Philosophique, 1771

L’orthographe est plus qu’une mauvaise habitude, c’est une vanité
Raymond Queneau, Bâtons, chiffres et lettres, 1950

Citations reprises du site du projet La Convivialité.

Point de vue intéressant, mais qui bouscule nos idées reçues (je suis rédactrice et j’en suis sortie chamboulée !). Les nombreuses interactions avec le public nous démontrent combien nous avons une relation intime avec l’orthographe, qu’elle soit cauchemardesque ou amoureuse. L’orthographe est sacralisée. Mais pourquoi donc ? Faire de l’orthographe un objet d’élite, est-ce un moyen efficace de faire rayonner la langue française ?

Projection d'une citation de Stendhal lors du spectacle La Convivialité
Humour sur la relation de grands auteurs avec l’orthographe

Simplifier l’orthographe pour la rendre conviviale

On l’a compris, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron font de La Convivialité un exposé efficace pour une simplification de l’orthographe française. Loin de proposer « un nivellement par le bas » ou une « dénaturation » de la langue française, ils souhaitent offrir un projet fédérateur aux peuples francophones, et décentraliser ainsi l’évolution des normes orthographiques et grammaticales aux mains de la mythique Académie française. Cette dernière, dont on souligne qu’elle n’a aucun linguiste dans son sein, en prend pour son grade au cours du spectacle. Plus qu’une problématique d’experts, La Convivialité nous invite à une réflexion plus large sur l’impact social de cette complexité de l’orthographe. Citons comme répercussion négative l’amalgame entre le niveau intellectuel d’une personne et son orthographe, ou encore les conséquences désastreuses sur les recherches d’emploi d’une orthographe défaillante.

Avons-nous besoin de garder des règles orthographiques obscures (avec de nombreuses exceptions !) qui n’ont pas bougé depuis le 19e siècle, pour écrire un texte en français ? La Convivialité réveille notre pensée critique sur un sujet qui revêt une importance qu’il ne faut pas sous-estimer. Amoureux de la langue française, les auteurs de La Convivialité sont à Montréal pour 10 représentations seulement. Courez vous faire « brasser la cage » !

 

La Convivialité
du 30 octobre au 10 novembre — supplémentaire le dimanche 4 novembre à 15 h
Théâtre Denis-Pelletier

Billetterie | Site web du projet

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