Blade Runner 2049, la dystopie humaine capturée par Denis Villeneuve

La trĂšs attendue suite de Blade Runner par Ridley Scott, sorti en 1982, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par Denis Villeneuve, le prodige du cinĂ©ma quĂ©bĂ©cois qui s’exporte avec succĂšs Ă  Hollywood en ce moment.

AprĂšs Prisoners, Sicario et Arrival, l’annonce que c’était Denis Villeneuve qui rĂ©alisait Blade Runner 2049 Ă©tait une excellente nouvelle mais une nouvelle qui amenait aussi son lot de challenge. Car faire une suite Ă  un classique du cinĂ©ma Ă©tait un challenge de taille : avouons-le, les suites sont rarement rĂ©ussies. Et personnellement, je ne voulais pas voir un rĂ©alisateur dont j’aime beaucoup le travail Ă©chouer dans cette mission. D’ailleurs Villeneuve n’en Ă©tait que trop conscient.

C’est le projet le plus ambitieux et le plus risquĂ© de ma carriĂšre

RĂ©alisĂ© Ă  partir d’un scĂ©nario de Hampton Fancher et Michael Green, Denis Villeneuve a tentĂ© Ă  la fois d’honorer l’original en rendant hommage aux visuels crĂ©Ă©s par Ridley Scott mais aussi de se dĂ©gager de son ombre considĂ©rable.

Blade Runner 2049, c’est donc l’histoire d’un policier, un autre blade runner, incarnĂ© par Ryan Gosling chargĂ© de traquer et exĂ©cuter les rĂ©plicants renĂ©gats. Au cours d’une enquĂȘte de routine, il fait une dĂ©couverte singuliĂšre et intrigante qui va l’envoyer dans un tourbillon d’autres dĂ©couvertes et qui va l’amener Ă  rencontrer Rick Deckard, l’ancien blade runner (Harrison Ford).

Le Los Angeles de 2049 est gris, une ville sans vie, sans couleurs, tout comme toute la planĂšte qui est constamment abandonnĂ©e par ses habitants. Les rĂ©plicants – androĂŻdes utiles mais dĂ©criĂ©s – font le travail nĂ©cessaire que les humains ne veulent pas faire. Ceux qui sont restĂ©s sur Terre fuient la rĂ©alitĂ©, trouvant du rĂ©confort chez les prostituĂ©es rĂ©plicantes ou avec les hologrammes servant de substitut Ă  des petites amies. D’ailleurs, l’on ne peut nier que le L.A. du futur est constituĂ© par un esprit masculin hĂ©tĂ©rosexuel, ce qui n’est rĂ©solument pas trĂšs diffĂ©rent de l’actuel L.A. C’est une atmosphĂšre sinistre et dĂ©sespĂ©rĂ©e qui garde malgrĂ© tout, sa beautĂ©.

Les images de Denis Villeneuve sont saisissantes. Il nous plonge dans des paysages menaçants aux couleurs vives. Il honore l’esthĂ©tique de l’original avec sa vision rude et extrĂȘme du futur (2019). En collaboration avec Roger Deakins, l’incroyable directeur de la photographie, Villeneuve dĂ©veloppe les motifs visuels que Scott crĂ©a il y a 35 ans tout en ajoutant sa propre touche visuelle moderne.

Blade Runner 2049

La camĂ©ra arrive Ă  bien capturer la dystopie humaine terrifiante dans sa malveillance et sa cruautĂ©. Tous (humains et rĂ©plicants) sont animĂ©s par le mĂȘme instinct de survie. Toute leur existence tourne autour de la survie. Et ces images majestueuses d’un environnement peu invitant et inhospitalier sont intensifiĂ©es par la musique de Hans Zimmer et Benjamen Wallfish. On se sent quasiment Ă©crasĂ© par cette musique grinçante.

Blade Runner 2049 est indĂ©niablement un dĂ©lice pour les sens. Stimulant, Ă©blouissant. Ce qu’on peut reprocher un peu au film c’est que les questions philosophiques et existentielles sont traitĂ©es en surface comme l’affrontement et le moment oĂč la science et l’humain convergent et ne font qu’un.

On assiste certes Ă  un magnifique moment oĂč deux entitĂ©s fusionnent. Joi, l’hologramme petite amie de K, embauche Mariette (Mackenzie Davis), une travailleuse du sexe rĂ©plicante sur laquelle Joi peut se projeter holographiquement pour offrir Ă  K l’expĂ©rience ‘rĂ©elle’ d’avoir une relation sexuelle. Les traits de Joi se confondent Ă  ceux de Mariette, elle fait de son mieux pour mimer les mouvements d’un corps physique ‘rĂ©el’. C’est une scĂšne intime, fascinante et un peu perturbante, mĂȘlant les traits des deux actrices avec des interruptions subtiles mais troublantes.

Par ailleurs, le film amĂšne plusieurs questions qui restent sans rĂ©ponse. Elles font le fondement mĂȘme du film. Qui a fabriquĂ© K? De K et Ana, qui est le plus humain? Et bien sĂ»r, la plus populaire et inquiĂ©tante question de toutes : est ce que Deckard est un humain ou un rĂ©plicant?

Ce qui nous amĂšne Ă  affronter l’idĂ©e que les androĂŻdes nourrissent des sentiments, des dĂ©sirs et des rĂȘves. Ça sert Ă  crĂ©er un sentiment de curiositĂ© et peut-ĂȘtre mĂȘme une compassion chez le spectateur. Mais on se rend compte aussi que ces rĂ©plicants servent de main d’Ɠuvre. Leur exploitation est le carburant vĂ©hiculant cette civilisation.

D’un autre cĂŽtĂ©, les acteurs sont remarquables. Sylvia Hoeks est convaincante dans son rĂŽle de rĂ©plicante implacable et impitoyable Ă  la poursuite de K.
Ryan Gosling est impressionnant et arrive Ă  illustrer parfaitement l’esprit derriĂšre le jeune K : un rĂ©plicant certes, mais tout aussi perdu. Car mĂȘme s’il est patient, cynique et froid, on dĂ©couvre rapidement que ce n’est qu’une carapace. Il se demande si sa vie a une signification plus grande que ce qu’il a toujours soupçonnĂ©.
Quant Ă  Harisson Ford, il n’a plus Ă  faire sa rĂ©putation. Il excelle dans son rĂŽle de blade runner Ă  la retraite, fatiguĂ©, mais toujours aussi combatif.

 

Blade Runner 2049 est peut-ĂȘtre le film le plus incroyablement rĂ©ussi de Villeneuve. Il arrive Ă  sortir de l’ombre de l’original, amenant son lot de questions, poussant aussi l’humain Ă  revoir ce qui fait son humanitĂ©. Roger Deakins mĂ©riterait amplement sa statuette aux oscars pour ce magnifique chef d’Ɠuvre. J’ai dĂ©jĂ  hĂąte au prochain film de Denis Villeneuve qui va s’intituler Dunes.

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