AaRon, We Cut the Night : interview et critique

Dans le cadre du Montréal En Lumière, le duo français AaRon était au Métropolis pour présenter son dernier opus : We Cut The Night.


Samedi 20 fĂ©vrier, j’Ă©tais au MĂ©tropolis pour assister au concert d’AaRon qui est venu prĂ©senter son troisième album We Cut the Night. Je les ai rencontrĂ©s auparavant pour une interview. Retour sur le concert et interview avec le duo.

PrĂ©sentation d’AaRon

Aaron est composĂ© des français Simon Buret et Olivier Coursier. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s au public par la chanson U-Turn(Lili) qui a Ă©tĂ© la bande originale du film Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret.
S’ensuit la sortie de leur premier album, Artificial Animals Riding on Neverland. L’album est acclamĂ© par le public.
La carrière du duo continue avec la sortie du deuxième album Birds in the Storm, qui connaît aussi un franc succès.
Le duo nous revient avec un troisième album studio intitulĂ© We Cut the Night aux sonoritĂ©s plus Ă©lectro mais qui ne perd pas nĂ©anmoins l’essence du duo : un voyage onirique sur fond de textes poĂ©tiques.
En effet, connu par son romantisme et ses morceaux qui vont chercher l’Ă©motion Ă  l’Ă©tat pur chez les auditeurs, le tandem, qui ne cesse de se rĂ©inventer, a voulu explorer un nouveau virage avec des sonoritĂ©s plus electropop.

L’album We Cut the Night
AaRon - We Cut the Night Cover Album

We Cut the Night est un album homogène qui nous plonge dans un bel univers nocturne et abyssal Ă  l’image de la pochette de l’album, univers tantĂ´t dansant et rythmĂ©, tantĂ´t plus sombre et plus lourd.
À la première écoute, on retrouve des sonorités plus eighties comparé aux autres albums, la voix de Simon en écho et des mélodies de synthé très présentes.
Sur des morceaux comme Maybe on the Moon, 2:22, Invisible Stains et Shades of Blue, on sent un retour vers le folk-rock du groupe auquel on était habitué : une musique épurée, minimaliste et plus sentimentale.
Alors que Blouson Noir ( premier single de l’album), The Leftlovers et We Cut the Night sont plus rythmĂ©es et entraĂ®nantes.

Le duo est donc venu présenter We Cut the Night à leur public montréalais. Je les ai rencontrés pour une entrevue avant le concert au Métropolis.

Interview

Sarah : Bonjour! Alors bienvenu Ă  MontrĂ©al. Je crois savoir que ce n’est pas votre première fois ici?
Olivier Coursier :
Nous sommes venus il y a 7 ans pour notre premier album.
Simon Buret: La réalité des choses fait que nous ne pouvons nous produire où nous voulons tout le temps. Des fois les dates ne concordent pas.

Sarah : Alors pourquoi AaRon? D’oĂą vient le nom?
Simon : Olivier et moi nous sommes rencontrĂ©s lors d’un hommage au peintre Jean-Michel Basquiat, qui a, sans le savoir, inventĂ© l’art du graffiti. Il utilisait la rue comme source d’inspiration et en intĂ©grait l’Ă©nergie brute dans ses Ĺ“uvres en notant des bribes de mots. Nous avons la mĂŞme approche en ce qui concerne la musique. Notre influence majeure est plus visuelle que musicale car Olivier et moi avions grandi dans des milieux extrĂŞmement urbains. Nous avons toujours utilisĂ© des Ă©lĂ©ments de notre vie quotidienne, ou des Ă©lĂ©ments de la nature ou de la rĂ©sonance de l’humain dans la grande nature.
Dans le graffiti, beaucoup d’artistes utilisent une couronne sur les noms. C’est une manière de dire je te rends roi. Et Aaron Ă©tait un nom qui revenait souvent dans le travail de Basquiat. Donc, nous avons voulu en faire notre propre couronne et par la mĂŞme occasion faire un clin d’œil à l’artiste et son Ĺ“uvre.
Et après on l’a ouvert et on l’a utilisĂ© pour nommer notre premier album Artificial Animals Riding on Neverland qui est un genre de clin d’œil Ă  la dernière terre de l’humain, la dernière terre non explorĂ©e qui est la terre du cerveau.

Neverland est assez vaste pour que tout le monde puisse y plonger et on voulait dire justement en grandissant, de ne pas se laisser aspirer par ce qui est trop matériel et cartésien.

Sarah : En suivant votre cheminement musical, on se rend compte que vous chantez de moins en moins en français. Est ce que c’est un choix dĂ©libĂ©rĂ©?
Simon : Oui en fait Ă  part le premier album tous les textes sont en anglais. Je ne sais pas si c’est un choix dĂ©libĂ©rĂ©. Personnellement, mon père Ă©tant amĂ©ricain et ma mère française, donc je n’avais pas nĂ©cessairement un choix particulier Ă  faire. J’ai toujours aimĂ© cultiver cette double culture. Peut ĂŞtre que le fait que nous soyons en France, ma terre des possibles c’Ă©tait l’anglais, c’Ă©tait ma terre d’expression et de crĂ©ation artistique. Mais les deux langues sont très intĂ©ressantes. Sauf que grâce Ă  l’anglais, ont a pu toucher beaucoup de gens, notamment au Canada, aux États Unis ou en Allemagne.

Sarah : Simon c’est toi qui Ă©cris?
Simon : En effet. C’est pour ça que c’est moi qui te rĂ©ponds. ( rires)

Sarah : We Cut the Night sort demain au Canada (i.e vendredi 19 février). Comment vous le qualifieriez dans votre cheminement musical?
Simon : On essaie de ne rien s’interdire. On a cette volontĂ© d’aller toujours vers l’inconnu. On a donc creusĂ© des sons prĂ©sents sur les albums prĂ©cĂ©dents, des mariages aussi entre des instruments traditionnels et d’autres plus synthĂ©tiques. On aime Ă  penser qu’on fait des albums pour la tĂŞte et pour les pieds : pour l’âme donc plus enveloppants, hypnotiques mais qui donnent aussi envie de danser.
Olivier : On a pris une direction plus électronique avec cet album. On voulait que ce soit plus précis, plus homogène.
Simon : On essaie toujours de saisir un instant et en faire une chanson, donc faire un genre de polaroid musical.
Ensuite, notre intĂ©rĂŞt premier c’est de ne pas diriger une Ă©motion, mais plutĂ´t de crĂ©er un ressenti diffĂ©rent chez l’auditeur, comme lorsqu’on regarde une toile ou qu’on lit un livre.

On veut ĂŞtre dĂ©clencher une Ă©motion, donc creuser ce qui est dĂ©jĂ  Ă  l’intĂ©rieur de la personne.

Sarah : On emploie souvent les mots ‘mĂ©lancolie’ et ‘spleen’ pour parler de monde musical de AaRon. Comment vous expliquez ça?
Simon : Je ne crois pas Ă  la mĂ©lancolie mièvre. Je pense que le plus important dans la crĂ©ation et dans la vie, ce n’est pas les faits, mais les souvenirs qui restent. Donc l’important c’est ce que tu en fais. Et le caractère de la personne va faire en sorte de trouver une chanson très solaire ou très sombre. Je ne pense pas que tu puisses imposer une Ă©motion. Et nous voulons rester sur le fil, notre responsabilitĂ© en tant que musiciens c’est de crĂ©er quelque chose qui est incarnĂ©e et proche du cĹ“ur et de laisser l’espace de comprĂ©hension qui va ĂŞtre diffĂ©rent en fonction des oreilles qui l’Ă©coute.

Ce qu’on veut c’est une pulsion de vie, aller chercher ce qui se passe en toi, qu’est ce qui te fait rĂ©sonner, oĂą ça te ramène toi.

Olivier : C’est comme des pointillĂ©es qui te marquent et que tu as besoin de ressortir, nous en l’occurrence en musique et en textes.

Sarah : Blouson Noir est le premier single de l’album. Parlez moi du morceau.
Simon : C’est un morceau rythmĂ© qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  New York dans un milieu très urbain. C’est une Ă©nergie qu’on veut garder constante. C’est un hommage Ă  New York, Ă  la la mĂ©ga-ville. Et tout d’un coup, reprĂ©senter un parfum d’Yves Saint Laurent dans une pub Ă©tait un extrĂŞme par rapport Ă  cette chanson. Mais le propos de la pub n’Ă©tait pas purement commercial, ça racontait une histoire.

Sarah : comment se passe le processus de création? Vous avez des rôles prédéfinis?
Olivier : Non, surtout pas. Il y a un seul rĂ´le prĂ©dĂ©fini : c’est Simon qui Ă©crit les textes. Ensuite pour la musique, ça peut ĂŞtre moi qui vais trouver un couplet, donner l’idĂ©e d’un refrain Ă  Simon et on construit le morceau comme ça, ou bien un nouveau son qu’on essaye sur un synthĂ© et qui va nous inspirer la suite du morceau ou inspirer un texte Ă  Simon.
Simon : En fait nous avons un studio Ă  Paris et donc nous n’avons pas de contrainte de temps. Donc on va toujours bidouiller, chercher des sons. Il faut aussi qu’on puisse chanter ça en piano-voix ou guitare-voix et une fois ce squelette lĂ  Ă©tabli, on cherche des muscles sonores.

On veut toujours que la musique et les textes soient fusionnels, qu’ils inspirent la mĂŞme sensation.

We Cut the Night
Olivier Coursier – CrĂ©dit Photo Sarah Bemri

Sarah : Votre meilleur souvenir de concert?
Simon : Il y en a beaucoup.
Olivier : Istanbul. C’Ă©tait très excitant pour nous car c’Ă©tait la première fois que nous nous produisions lĂ  et c’Ă©tait le premier spectacle de la tournĂ©e de We Cut the Night alors que l’album n’Ă©tait pas sorti encore. Alors c’Ă©tait une expĂ©rience pour nous, on se demandait quelle serait la rĂ©action des spectateurs. En plus nous Ă©tions avec une Ă©quipe nouvellement constituĂ©e. Beaucoup de premières. C’Ă©tait très excitant!

Sarah : Et ça s’est bien passĂ©? 
Simon : C’Ă©tait gĂ©nial!
Olivier : Très bien, il y avait une vraie Ă©nergie des gens, de nous. C’Ă©tait un bon point de dĂ©part pour la tournĂ©e.
Simon : Tu sais, les gens nous demandent souvent : comment vous allez dĂ©fendre cet album, comment attaquez vous la tournĂ©e? Et ces mots sont violents et guerriers. Pour moi nous n’avons rien Ă  dĂ©fendre, c’est du partage. On partage un bout de nous. Et c’est souvent de bons souvenirs.

Sarah : Dites moi quelque chose que votre public québécois ne sait pas de vous. 
Simon : On n’aime pas trop la poutine.
Olivier : On a essayé hier soir.
Simon : C’Ă©tait tard et on n’a pas Ă©tĂ© Ă  la banquise malheureusement.
Olivier : On va retenter ce soir promis.
Simon : En fait, la vraie rĂ©vĂ©lation que j’aimerais faire c’est qu’on est U2. (rires)

Concert

Le concert fût un voyage entre les trois albums du duo.
AaRon avaient ouvert le spectacle avec Magnetic Road, donnant le ton Ă  la soirĂ©e : elle sera envoĂ»tante, aĂ©rienne et placĂ©e sous le signe de l’Ă©motion.
Au fil des chansons, alors qu’Olivier Ă©tait entre la guitare et les claviers, Simon Ă©tait d’un dynamisme incroyable.
J’avais lu auparavant un article relatant la prĂ©sence scĂ©nique de Simon. Disons que les propos n’Ă©taient pas très Ă©logieux quant à ses qualitĂ©s de danseur. Je dois avouer qu’au dĂ©but je trouvais ses gestes un peu flyĂ© ( comprendre originaux) et amusants mais le cĂ´tĂ© naturel, Ă©nergique et transcendĂ© par la musique l’emportait largement. Et puis faut dire que ça n’enlevait rien Ă  ses qualitĂ©s vocales.

We Cut the Night
AaRon – CrĂ©dit Photo Sarah Bemri

La complicité du duo était palpable tout au long du concert. Ils se regardaient, échangeaient des sourires et leurs présences se complétaient.
On sentait aussi leur sens de l’esthète dans leur prestation ; une Ă©lĂ©gance en Ă©manait et les jeux de lumière construisaient toute une atmosphère autour de cela.
Dès les premières notes de U-turn (Lili), la foule crie son bonheur. Je dois avouer que j’ai Ă©tĂ© touchĂ©e de voir ma voisine verser des larmes en chantonnant en mĂŞme temps que Simon.
Quant Ă  moi, c’est Maybe on the Moon, coup de coeur sur We Cut the Night, que je chantonnais.
S’en suivent le single Ă©ponyme de l’album We Cut the Night ainsi que Blouson Noir (choisie par la maison Yves Saint Laurent pour la pub d’un parfum). Avec l’aide de Simon, mĂŞme les plus rĂ©ticents se dandinaient aux rythmes.

Aaron c’est avant tout un monde envoĂ»tant et hypnotique, une cĂ©lĂ©bration des mots, des mĂ©lodies, des Ă©motions avec une sensibilitĂ© irrĂ©sistible et We Cut the Night s’inscrit dans ce registre lĂ .


We Cut The Night est disponible sur les plateformes numériques partout au Canada. 

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