T’es arrivé dans ma vie sans que je m’y attende. OK non. C’pas vrai. J’te zieutais de loin, mais j’pensais pas que t’en viendrais à traverser des océans pour te rendre jusqu’à moi. T’es entré comme un coup de vent, pis t’as bouleversé ma vie. Tu m’as mis en confinement entre les murs de mon appart pis tu m’as shaké comme une boule de verre.
Le temps n’existe même plus. Samedi soir ou mardi matin : même combat. Je suis rendue fébrile quand mon alarme m’indique 12 h 58 pour écouter le trio national. J’suis excitée quand j’dois m’habiller « plus qu’en-mou » pour participer à un Zoom entre collègues. Progressivement, je donne une autre signification au temps. Attendre est devenue une activité à temps plein. Attendre pour aller à l’épicerie, à la pharmacie, à la boulangerie, name it. Attendre qu’il y ait de nouveau ce produit ancestral de blé moulu sur les étagères (merci Ricardo, pour ce retour à la terre). Attendre après la chaleur en ce mois d’avril rempli d’incertitude. Attendre une heure raisonnable pour manger. Trois fois par jour.
J’me demande aussi parfois pourquoi j’me lave quand je remets exactement le même outfit mou immédiatement en sortant de la douche. Parfois, j’me demande si j’dois me laver les cheveux si j’vois jamais personne, non? Pour être congruente, j’ai même changé les vêtements de mon bitmoji pour qu’il soit lui aussi habillé en mou 24 h/7.
Tu sais, en ce moment de pandémie, le seul risque que je suis prête à prendre est celui de rater une recette. Gâteau aux carottes végane, pain, galettes de saumon, muffins aux framboises : tout ce que j’prenais pas le temps de cuisiner avant. Tu me permets aussi de m’apercevoir de mes vraies amitiés. Ceux qui sont là pendant les bouttes rough, ceux qui te donnent du love virtuel et ceux qui essaient pas de te faire à croire naïvement que « tout va bien aller ». Ceux qui sont là malgré la distance.
T’as donné aussi un autre sens aux rapprochements physiques. Une maudite chance que j’ai mon chien (au féminin) pour recevoir un semblant d’amour. Mais tsé, ben honnêtement j’vois pas le jour où on n’aura pas peur de parler aux autres à moins de 2 mètres sans recevoir un postillon peut-être porteur de toi. J’vois pas le jour où je retournerai au restaurant, au cinéma, au gym, ni même faire un simple pique-nique dans un parc. J’vois pas non plus le bout où l’été viendra réchauffer nos orteils et nos cœurs esseulés.
Covid-19 t’es rough pour certains. T’es même mortel. Mais tu fais aussi sortir du beau des humains. Tu nous fais serrer les coudes (que j’te vois me serrer la main!), prendre des nouvelles de chacun, être créatifs et solidaires.
Covid-19, même si tu commences à être collant et pesant, j’taime un peu pareil. Mais, s’te-plaît, reste pas trop longtemps.
Photo par Yash Parab de StockSnap