En 1953, le dramaturge Arthur Miller sâinspire de lâhistoire des procĂšs pour sorcellerie de Salem pour Ă©crire sa piĂšce. En 2020, Ădith Patenaude et Sarah Berthiaume adaptent la piĂšce et la mettent en scĂšne. Ce nâest quâen 2021, aprĂšs plusieurs annulations Ă cause de la pandĂ©mie, que les comĂ©diennes et comĂ©diens ont pu prĂ©senter la piĂšce sur les planches du thĂ©Ăątre Denise-Pelletier.
Table des matières
Mise en contexte
On est en 1692, Ă Salem, un petit village puritain en Nouvelle-Angleterre. Des jeunes filles dansent dans les bois. Surprises par le pĂšre de lâune dâentre elles, elles sont si terrifiĂ©es par la perspective dâĂȘtre punies quâelles mettent en scĂšne tout un stratagĂšme pour dĂ©tourner lâattention dâelles : elles accusent dâautres personnes de sorcellerie.
Lâune dâelles, AbigaĂŻl Williams, prend la tĂȘte du groupe et profite de lâoccasion pour se venger de son ancien amant, John Proctor en accusant Madame Proctor de sorcellerie.
Il sâensuit alors une hystĂ©rie collective qui va diviser le village et instaurer un climat tendu de peur et de suspicion.
La piĂšce se veut une critique du maccarthysme, aussi connu sous le nom de chasse aux sorciĂšres anticommuniste aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1950. C’est le sĂ©nateur Joseph McCarthy qui, avec ses mĂ©thodes brutales, a dĂ©noncĂ© le communisme et a cherchĂ© tout d’abord les fascistes et puis les communistes parmi la population.
La lecture qu’on fait de la piĂšce de nos jours est diffĂ©rente de celle d’origine certes, mais elle s’inscrit toujours dans une critique sociĂ©tale.
Hystérie collective et sujets polarisants
On le voit dans lâactualitĂ© des derniĂšres annĂ©es, les thĂ©ories du complot, les prises de position extrĂȘmes de certaines personnes et personnalitĂ©s, les tribunaux publics et les raccourcis quâon prend, par facilitĂ©, en suivant le mouvement de marĂ©e. Lâavenue de la cancel culture et lâassociation des individus aux idĂ©es, renforce lâidĂ©e de camps, du noir et blanc, du mal versus le bien, du NOUS contre le reste.
Il est fort intĂ©ressant de voir Ă©voluer comment cette idĂ©e en sâancrant chez les personnes peut vite mener Ă leur perte et Ă la perte du sens de collectivitĂ© ainsi quâĂ dĂ©shumaniser lâautre camp.
Par ailleurs, il est indĂ©niable que dans notre Ă©poque, les rĂ©seaux sociaux jouent un rĂŽle de catalyseur pour ce genre dâidĂ©es.
La femme, victime ou bourreau?
Certains seraient tentĂ©s de faire le lien entre ces jeunes filles en dĂ©nonçant dâautres femmes pour sauver leur peau et les dĂ©nonciations publiques dâagressions qui ont eu lieu sur les rĂ©seaux sociaux, par exemple. Il serait facile de croire quâil faudrait dans ce cas douter de la parole des victimes et de leur attribuer des motivations cachĂ©es et des gains personnels.
Câest Ă ce moment-lĂ que le personnage de Tituba, sâadresse Ă nous pour nous rappeler Ă lâordre presque, avec une voix qui dĂ©tonne et une prĂ©sence scĂ©nique poignante. Car au final, câest cette sociĂ©tĂ© oppressante, misogyne qui pousse ces jeunes femmes dans leurs retranchements, pour Ă©viter le pire.
Au final, au-delĂ du sexe des protagonistes, chacun peut ĂȘtre la victime d’un acharnement nourri par la peur et la dĂ©sinformation.

Une mise en scĂšne et une interprĂ©tation piliers dâune atmosphĂšre anxiogĂšne
Les interprĂštes portent Ă merveille le poids dramatique de la piĂšce. Mention spĂ©ciale Ă Emmanuelle Lussier-Martinez dans le rĂŽle d’AbigaĂŻl Williams et Ă Ătienne Pilon dans le rĂŽle de John Proctor. Tous les deux ont campĂ© leurs rĂŽles Ă la perfection avec une prĂ©sence magnĂ©tique et une justesse incomparable.
La scĂ©nographie, l’environnement sonore oppressant, l’Ă©clairage en clairs-obscurs accentuent l’atmosphĂšre anxiogĂšne qui rĂšgne tout le long de la piĂšce et lui donnent une dimension plus dramatique.
Les SorciĂšres de Salem
Texte d’Arthur Miller
Mise en scĂšne dâĂdith Patenaude, traduction et adaptation de Sarah Berthiaume
Jusquâau 27 novembre au ThĂ©Ăątre Denise-Pelletier